Saint Siméon Stylite († 459)
Voici peut-être le plus étrange, le plus miraculeux de tous les Saints. Il naquit en Cilicie. Son père était berger, et lui-même passa les premières années de sa vie à garder les troupeaux. Il avait treize ans, quand un jour, à l’église, il entendit lire ces paroles: « Bienheureux ceux qui pleurent!… Bienheureux ceux qui ont le coeur pur! » Éclairé par la grâce, embrasé du désir de la perfection, il se met en prière, s’endort et fait un songe: « Il me semblait, dit-il, que je creusais les fondements d’un édifice; quand je crus la fosse assez profonde, je m’arrêtai: « Creuse encore! » me dit une voix. Par quatre fois je repris mon travail et je m’arrêtai, et par quatre fois j’entendis la même parole: « Creuse encore! » Enfin la voix me dit: « C’est assez! Maintenant tu peux élever un édifice aussi haut qu’il te plaira. » Ce songe signifiait sans doute l’humilité, base de toutes les vertus et mesure de la perfection; mais il faisait aussi allusion au genre de vie que devait mener le pieux jeune homme.
Siméon entre dans un monastère; là, ses mortifications paraissent si effrayantes, qu’on lui conseille la solitude. Il se retire dans un désert et passe le Carême entier sans manger; le jour de Pâques, la Sainte Communion lui rend toute sa vigueur. Dès ce moment, il prend la résolution de passer ainsi tous les ans le temps du Carême. Les foules se pressent bientôt autour de lui attirées par ses miracles; il s’enfuit sur une montagne pour échapper au commerce des hommes; mais le concours prodigieux s’accroissait tous les jours. C’est alors qu’il se fit bâtir une colonne qui, s’élevant d’année en année, atteignit enfin la hauteur de quarante coudées, ou à peu près vingt mètres, sur laquelle il vécut environ trente-six ans. De là lui vient le surnom de Stylite, mot qui signifie, en grec, l’habitant de la colonne. Les heures de sa journée étaient partagées entre la prière, la prédication et les oeuvres de charité; la nuit se passait presque entière dans les entretiens avec le Ciel. Quelqu’un voulut un jour compter les inclinations profondes qu’il faisait en la présence de Dieu; arrivé au nombre de mille deux cent quarante-quatre, il s’arrêta, n’ayant pas la patience de continuer plus longtemps. Tout est merveilleux dans les détails de cette vie surprenante; et cependant on n’y trouve rien qui ne montre un homme conduit par l’Esprit de Dieu et soutenu par la vertu d’En Haut.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950