Saint Gérard Abbé en Belgique († 959)
Saint Gérard est né dans une puissante famille du comté de Namur. Une douceur charmante de caractère et un amour décidé pour la vertu lui gagnèrent, dès son enfance, l’estime et l’affection de tous ceux qui le connaissaient. L’éclat de sa vertu était encore rehaussé par sa politesse, son affabilité et son inclination à faire le bien. Il trouvait tant de douceur dans la prière, qu’il ne la quittait qu’avec un extrême regret: «Heureux, se disait-il à lui-même, ceux qui n’ont d’autre emploi que de louer le Seigneur jour et nuit, de vivre toujours en sa présence et de se consacrer à lui pour toujours!»
Parvenu en âge, il suivit la carrière des armes. Appelé à la cour du roi de France pour s’occuper des affaires de son prince, il eut l’occasion de visiter l’abbaye de Saint-Denis. Il fut si édifié de la ferveur des moines, qu’il résolut de se fixer parmi eux. Comme la culture de son esprit avait été complètement négligée dans la carrière des armes, il demanda la permission de se livrer à l’étude; il ne connaissait pas même ses lettres; un moine fut chargé de lui apprendre l’alphabet, comme à un enfant de cinq ans. L’élève fit si bien, que, chose étonnante! peu de jours après, il surpassait son maître dans les sciences divines et humaines.
Dix ans après, ayant été ordonné prêtre, il alla fonder une abbaye dans sa propriété de Brogne (ou Broyne), pour obéir à un ordre du Ciel. L’année suivante, Gérard fit le pèlerinage de Rome pour mettre son abbaye naissante sous la protection du Saint-Siège. Il revenait au comble de ses vœux, quand, au passage périlleux des Alpes, le mulet qui portait de riches ornements destinés à la châsse de saint Eugène, auquel il avait une dévotion particulière, tomba au fond d’un précipice. Les compagnons de l’abbé étaient consternés; quant à lui: «Dieu soit béni, dit-il, pour tous ses bienfaits!» Du reste, après des recherches, on trouva au fond du ravin, debout et vivant, l’animal, qui aurait dû, selon toute prévision humaine, être brisé contre les rochers.
Il revint ensuite dans le monastère qu’il avait fondé précédemment sur sa terre de Brogne, près de Namur, et y introduisit l’observance bénédictine dans toute sa rigueur. Obsédé dans son couvent par une multitude de visiteurs importuns, Gérard se bâtit à l’écart une cellule pour y vivre en reclus avec Dieu seul; mais peu après l’ordre de Dieu l’appela ailleurs pour relever une abbaye en ruines. Là aussi il se rendit bientôt célèbre par ses vertus et par ses miracles. Un jour, en particulier, un aveugle fut guéri en se lavant les yeux avec l’eau qui avait servi à laver les mains du serviteur de Dieu.
Le duc de Lotharingie et le comte de Flandre lui demandèrent de réformer les monastères de leurs États; les évêques de Liège, de Cambrai et d’Utrecht lui adressèrent les mêmes instances. Cependant Gérard avançait en âge, il fut averti divinement du jour où il quitterait la terre.
Abbé Léon Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950 — La Vie des Saints illustrée pour chaque jour de l’année, Paris, Librairie de Firmin-Didot et Cie, 1887.