Sainte Brigitte de Suède Veuve, Fondatrice d’Ordre et Bienheureux Antoine Chevrier
Sainte Brigitte de Suède Veuve, Fondatrice d’Ordre(1302-1373)
Sainte Brigitte naquit en Suède, de famille royale. Sa mère avait été sauvée d’un naufrage en considération de l’enfant qu’elle portait dans son sein. Bien qu’à sa naissance un saint personnage eût reçu de la Sainte Vierge l’assurance que cette enfant ferait entendre sa voix dans tout l’univers, Brigitte fut muette, jusqu’à l’âge de trois ans; mais, ce temps écoulé, elle parla tout à coup aussi bien qu’une grande personne. A l’âge de dix ans, elle fut singulièrement touchée d’un sermon sur la Passion du Sauveur. La nuit suivante, elle vit le divin Crucifié tout couvert de plaies et de sang, et L’entendit dire: « Regarde, Ma fille, comme J’ai été traité. – Et qui Vous a traité si cruellement? dit-elle. – Ce sont ceux qui Me méprisent et sont insensibles à Mon amour pour eux. » À partir de cette époque, la seule pensée des mystères de la Passion faisait couler ses larmes.
Une nuit qu’elle était en prière, sa tante, chargée de son éducation après la mort de sa mère, la surprit et voulut la frapper; mais la verge se rompit entre ses mains. Brigitte, tout enfant, était souvent assaillie par le démon qui prévoyait en elle une grande ennemie; mais elle trouvait un secours assuré en courant dans sa chambre se jeter aux pieds du crucifix qui lui avait parlé.
Malgré son goût pour la virginité, Brigitte accepta le mariage par obéissance; elle et le prince, son mari, se préparèrent par un an de prières et de bonnes oeuvres aux obligations de leur état. Dieu donna à ces pieux époux huit enfants. Brigitte fut le modèle des mères par sa sollicitude envers sa famille; elle éloignait de sa maison tout ce qui n’y aurait pas apporté l’édification et la vertu: « Après la lecture de la Bible, répétait-elle à ses enfants, n’ayez rien de plus cher que la Vie des Saints. » A la mort de son mari, elle s’adonna aux saintes oeuvres avec plus de liberté que jamais, apprenant à ses enfants à laver les pieds des pauvres, à soigner les plaies des malades, à soulager toutes les misères. Mais la grande mission de sa vie, Brigitte l’accomplit pendant ses dernières années, qu’elle passa dans la pénitence et la contemplation de Jésus Crucifié. Ses révélations étonnantes ont fait d’elle la merveille de son siècle.
C’est à Rome, où elle aimait à séjourner près des tombeaux des Saints, que le Sauveur lui fit connaître l’heure de sa mort prochaine; elle rendit le dernier soupir en prononçant avec amour les dernières paroles de Jésus expirant: « Mon Père, je remets mon âme entre Vos mains.
« Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame
Bienheureux Antoine Chevrier
Antoine Chevrier naquit à Lyon, le 16 avril 1826, de Claude, employé de l’octroi, et de Marguerite Fréchet. Dès avant sa naissance, sa pieuse mère l’avait consacré à Dieu. Chaque samedi, elle gravissait péniblement la colline de Fourvière, et faisait cette prière: «Ô mon Dieu, ô Sainte Vierge, il est à Vous, je Vous le donne. S’il ne doit pas vous servir de tout son cœur, retirez-le de ce monde après son baptême.»
De bonne heure elle le forma à l’esprit de sacrifice. Elle a pu rendre de lui ce témoignage: «Mon fils ne m’a jamais désobéi; il ne m’a jamais dit non.» C’est le souvenir de cette virile éducation qui lui fera dire plus tard: «Ceux qui sont toujours flattés, caressés et honorés ne sont que des pattes mouillées.»
Ses études théologiques achevées, il est ordonné prêtre par le cardinal de Bonald, dans l’église Primatiale de Saint-Jean, le 25 mai 1850. Il est nommé vicaire à Saint-André de la Guillotière, un important faubourg ouvrier de Lyon. Le nouveau prêtre se distingua par son amour des pauvres, donnant absolument tout ce qu’il avait, tellement que sa mère ne parvenait pas à l’entretenir de linge. Il lui arriva de donner jusqu’à sa chaussure et d’emprunter des souliers afin de pouvoir dire la messe décemment. Aux reproches qu’on lui en adressait, il répondait: «Qu’est-ce que cela? Notre-Seigneur a bien donné Son sang!» La grande inondation de 1856 fournit à l’abbé Chevrier une occasion exceptionnelle de donner toute la mesure de son dévouement. Le 31 mai, en pleine nuit, les crues du Rhône provoquent des inondations qui deviennent, pour certains quartiers comme la Guillotière, une véritable catastrophe. Pendant plusieurs jours, le prêtre secourt les victimes au risque de sa vie, au milieu d’un courant violent et de tourbillons dangereux. Il sauve de nombreuses personnes et ravitaille les maisons isolées.
Le 25 décembre 1856, en méditant au pied de la crèche, une vive illumination l’envahit. Les abaissements du Dieu fait homme le décident à tout quitter pour se livrer à la parfaite pauvreté. «C’est la fête de Noël qui m’a converti», aimait-il répéter. Comme saint François, il faisait consister le premier pas de la perfection dans la pauvreté. Se rappelant la parole de Notre-Seigneur: Si vous voulez être parfait, vendez ce que vous avez, donnez-le aux pauvres; puis venez et suivez-Moi; de plus, encouragé par le saint Curé d’Ars, l’abbé Antoine Chevrier commença par troquer son ameublement contre une table en bois blanc, taillée à coups de hache, sans même enlever les nœuds et l’écorce. Cela n’alla pas tout seul; on lui fit observer qu’il appartenait au clergé séculier, et qu’il n’avait pas fait vœu de pauvreté. – Les religieux observent les conseils évangéliques, répliqua-t-il, pourquoi les prêtres séculiers ne les observeraient-ils pas? Est-ce que la perfection n’est pas pour eux aussi bien que pour les autres? – Jésus est le modèle du prêtre et Il est pauvre; il faut que le prêtre aussi soit pauvre.» L’intervention de son curé lui fit comprendre que dans sa position de vicaire il lui serait impossible de réaliser ses projets de pauvreté.
L’année 1857 marque une nouvelle étape dans sa vie spirituelle. Il entre à la «Cité de l’Enfant-Jésus» comme aumônier. Cette œuvre de logements ouvriers et de préparation à la Première Communion avait été fondée quelques années auparavant par M. Camille Rambaud, riche négociant en soieries, «las de gagner tous les ans 200 mille francs», suivant sa propre expression. Lorsque, en 1860, M. Rambaud eut été ordonné prêtre, l’abbé Chevrier se retira. D’un commun accord, il fut décidé que l’abbé Camille poursuivrait sa mission auprès des démunis de la cité, laissant au Père Antoine Chevrier l’Œuvre de la Première Communion en faveur des enfants abandonnés, garçons et filles.
Le Père cherche donc un endroit où les installer. Plusieurs fois, en passant devant la baraque du Prado (vaste salle de danse pouvant contenir plus de mille personnes), il a jeté cette prière audacieuse: «Mon Dieu, donnez-moi cette maison et je Vous donnerai des âmes!» Voici qu’un jour un écriteau pend à la porte: «À vendre ou à louer». Au plus tôt, il contacte le propriétaire. Sans le sou, le Père Antoine Chevrier s’installe au Prado le 10 décembre 1860. Sa confiance en Dieu ne fut pas trompée; à mesure des besoins, les aumônes d’âmes charitables affluaient.
Le catéchisme est la préoccupation majeure du Père, son travail auprès des enfants, mais aussi des adultes qui fréquentent son établissement. «Catéchiser les hommes, écrivait-il, est la grande mission du prêtre aujourd’hui.» Il souhaite y entraîner les autres, mais c’est une mission difficile. «Oh! pour une âme qui ferait bien le catéchisme, qui aurait bien l’esprit de pauvreté, d’humilité et de charité, pour cette âme, je donnerais tout le Prado!» Le Bienheureux résume en trois mots la question: «D’abord éclairer l’intelligence, toucher le cœur et enfin exciter la volonté… Il faut instruire non pas avec de grands discours qui ne vont pas jusqu’au fond du cœur des ignorants, mais par des instructions très simples et à la portée du peuple. Il faudrait, de nos jours, aller catéchiser partout, enseigner les premières vérités, dire aux hommes qu’il y a un Dieu et leur apprendre à L’aimer et à Le servir.» Les résultats de la formation des enfants à la Première Communion étaient bien consolants pour le Père. Après une retraite passée dans un silence presque complet, ses enfants se montraient rayonnants d’une joie toute céleste. Dès lors, beaucoup entraient dans la voie d’une vie très chrétienne. Quant à ceux qui ne persévéraient pas, au témoignage de nombreux prêtres, chez bon nombre, le souvenir de leur Prado était au moment de la mort, la grâce qui provoquait le sursaut décisif pour mourir en chrétiens.
Toutefois, l’Œuvre de la Première Communion ne fut pour le Bienheureux qu’une première étape. Les besoins même de cette institution l’amenèrent à chercher des collaborateurs. De là, le projet d’une école cléricale qu’il réaliserait peu à peu. En mai 1877, le Père Chevrier assistait à l’ordination de ses quatre premiers prêtres. Qu’on juge de l’idéal que leur présentait celui qu’un évêque a pu appeler «le Docteur du Sacerdoce». Le prêtre est un homme dépouillé, un homme crucifié, un homme mangé. Son grand ouvrage: Le véritable Disciple de Notre-Seigneur Jésus-Christ en développe les différents points.Pour le Bienheureux, la sainteté consiste dans l’imitation du divin Maître et la pratique intégrale de Son Saint Évangile. Il expliquait que la perfection sacerdotale se résumait principalement dans ces trois phases de la vie du Sauveur: «La Crèche, le Calvaire et le Tabernacle. La Crèche, préparation par le dépouillement et l’esprit de pauvreté; le Calvaire, renoncement à tout en ce monde, immolation; le Tabernacle, consommation de la sainteté dans l’amour parfait.»La pierre de touche du zèle, c’est la contradiction. Se dévouer pour une œuvre, lorsqu’on est encouragé et soutenu par ses confrères et par les laïques, lorsque tout réussit et qu’on reçoit des félicitations de ses supérieurs, c’est une chose que beaucoup de prêtres savent faire. Mais être rebuté, repoussé, trahi, calomnié, persécuté; voir qu’on n’est pas compris ni des uns ni des autres, que les meilleurs même nous taxent d’imprudence et d’exagération, oh! quelle épreuve pour le pauvre cœur humain! Celui qui est capable de supporter une telle épreuve et de persévérer dans ses saintes entreprises en dépit de toutes les résistances et de tous les blâmes, celui-là a vraiment le zèle évangélique et mérite bien d’être proposé comme modèle. Ce n’est pas tant avec l’esprit du mal que le Père Antoine Chevrier a eu à soutenir la plus terrible lutte; c’est avec des frères, avec des amis de la religion, avec des prêtres bien pensants, mais inspirés par des vues trop humaines et dont l’opposition lui a fait souffrir un véritable martyre.
L’heure de la récompense était sonnée. Dans la soirée du jeudi, 2 octobre 1879, on vit le saint Fondateur se soulever de son lit d’agonisant et tendre les bras en avant, disant doucement: «Ciel! Ciel! Ciel!» Ce furent ses dernières paroles. Vers 9 heures du soir, le Bienheureux Antoine Chevrier rendait sa grande âme à Dieu, au moment même de son habituelle heure sainte. Il avait 53 ans.
Résumé O.D.M. d’après les sources: J.-M. Planchet, Nouvelle Vie des Saints, 2e éd., Paris, 1946; Fr. Marius Jean, Éveil des Vocations; Annales de l’Association des Prêtres-adorateurs, Montréal, 1903; Revue La Vie spirituelle, octobre 1935.