L’Assomption de la Vierge Marie, une coextensivité de la rédemption du Christ

Qu’est-ce que l’Assomption de la Vierge Marie ?

Comment est morte la vierge Marie ? Comment a-t-elle fini ses jours ? La Bible ne nous en dit rien. Un texte apocryphe Protévangile de Jacques évoque les derniers instants Marie. Entourée par les apôtres en prière, elle est emmenée au paradis par les anges. Très tôt, en effet, les chrétiens ont eu le pressentiment que la mère de Dieu, préservée de tout péché, ne pouvait pas avoir connu la corruption de la mort. Une intuition qui sera ensuite approfondie par les Pères de l’Eglise. Au VIe siècle, la fête de la Dormition est déjà célébrée en orient vers la mi-janvier. Plus tard, l’Empereur byzantin Maurice la fixera définitivement au 15 août : c’est ce qu’on appelle l’Assomption.

Souvent associée avec l’Ascension du Christ, l’Assomption de Marie, cependant, ne vient pas du verbe latin « ascendere » (monter, s’élever), qui a donné « Ascension », mais d’« assumere » (assumer, enlever). L’étymologie souligne l’initiative divine : Marie ne s’élève pas toute seule vers le ciel, c’est Dieu qui fait le choix de l’« assumer », corps et âme, en la réunissant à son Fils sans attendre la résurrection finale, tant elle a su s’unir, corps et âme, à Lui dès sa vie terrestre. Si pour les chrétiens d’Orient (les orthodoxes), on parle de la Dormition de Marie qui serait un sommeil mystérieux très doux, pour les chrétiens d’Occident (les catholiques), on parle plutôt de l’Assomption dont le dogme fut proclamé par le pape Pie XII en 1950. L’Assomption signifie donc que Marie, après sa mort, a été élevée au ciel par Dieu. Première créature humaine à entrer avec son corps et son âme dans la gloire de Dieu. Elle préfigure notre destinée. Dans le sillage de l’Ascension, Marie inaugure le destin ouvert aux hommes par la résurrection de son Fils et anticipe ce qui deviendra la condition des sauvés à la fin des temps. Croire que Marie n’a pas connu la mort, c’est croire qu’avec elle tout est possible et qu’elle montre par le Christ, à tous le chemin du ciel. 

Marie comme archétype de l’Église et anima ecclesiastica

Dans la Constitution dogmatique sur l’Église (Lumen Gentium) au chapitre 8, on traite de la « Sainte Vierge Marie », de son rôle de Mère de l’Église (Corps du Christ). En prônant l’unique médiation du Christ pour notre salut, on attribue à Marie le titre de servante du Seigneur, associée au Seigneur. A ce sujet, Jean-Paul II a fait bien des catéchèses et autres discours sur Marie, mais son écrit principal est l’encyclique Redemptoris Mater, publiée le 25 mars 1987, jour de la fête de l’Annonciation. Non seulement, il situe Marie dans le contexte du mystère du Christ et de l’Église, mais il la présente comme modèle de foi, comme l’avait fait Paul VI avant lui : « Son pèlerinage de foi exceptionnel représente une référence constante pour l’Église, pour chacun individuellement et pour la communauté, pour les peuples et pour les nations, et en un sens pour l’humanité entière » (Redemptoris Mater, n° 6). C’est pourquoi le Père Yves Congar présente la Vierge Marie comme une

Figure achevée de l’Église dont elle est, comme dit saint Augustin, le membre excellent, membre suréminent… Marie et l’Église ont même cœur et même voix, elles sont spirituellement la même personne, étant le terme et la réalité du même dessein de grâce, l’une de façon personnelle et parfaite, l’autre de façon collective, selon le beau mot de H. Rahner appelant l’Église « la Marie de l’histoire du monde » (Yves Congar, L’Église une, sainte, catholique et apostolique, p. 640).

Le père Hans urs von Balthasar quant à lui rapporte Marie à l’Église. Il se refuse d’hypostasier l’Église dans un être éternel, pur et préexistant, vers lequel tendrait eschatologiquement l’Église des pécheurs. C’est pourquoi il va harmoniser la relation entre Marie et l’Église en parlant de la première comme de l’archétype (dans le sens de prototype) de la seconde. Balthasar précise ainsi dans quel sens comprendre que Marie est le prototype de l’Église :

Marie, en tant que mère du Christ, est le modèle ‘‘charnel’’ de l’Église qui enfante spirituellement le Christ (alors apparaît en Marie l’élément vétérotestamentaire qui explique les scènes où la mère est repoussée par son Fils) ; il peut dire qu’elle est en outre le modèle individuel, réel et englobant pour tous les croyants (alors Marie apparaît comme la synthèse suréminente de la foi d’Abraham, comme la fille parfaite de Sion dans le passage de l’Ancienne à la Nouvelle Alliance et à l’Église) ; il peut enfin dire qu’elle reste, comme archétype inaccessible de l’Église elle-même, son modèle eschatologique (alors Marie est le résumé personnel de l’Église néotestamentaire). De ce point de vue, toute mariologie possible considérée en elle-même reste incomplète, si elle ne reste pas simultanément rapportée à la christologie … et ne s’intègre pas dans l’ecclésiologie (DD271).

Dans son petit ouvrage Marie première Église (MPE), ce qui semble motiver Balthasar à considérer Marie comme l’archétype de l’Église est l’opportunité que ce concept donne aux croyants d’aujourd’hui de redécouvrir l’Église comme notre mère, à travers la maternité de Marie. Ainsi, Balthasar affirme que « le mystère de Marie et celui de l’Église se compénètrent en périchorèse et s’éclairent mutuellement, de sorte que l’une a besoin de l’autre pour qu’elles soient situées et éclairées de façon correcte » (MPE144/145).

Prier la sainte Vierge Marie est-il idolâtrique ?

Il est souvent reproché aux catholiques de faire du culte des saints et de la Vierge un culte concurrent à celui rendu à Dieu, de leur donner une place trop importante dans nos vies jusqu’à les substituer à Lui. Qu’en est-il vraiment ? Il est important de souligner que le culte voué à Marie (hyperdulie) et celui voué aux saints, comme aux anges (dulie), n’est pas un culte concurrent ou parallèle à celui rendu à Dieu (latrie) mais le culte même de Dieu rendu sous une forme particulière, indirecte. Cette distinction entre les cultes a été introduite au moment du concile de Trente (1545-1563), face à la réaction protestante selon laquelle cultes et prières doivent uniquement être consacrés à Dieu. Ainsi, quand on rend un culte aux saints, on ne rend pas un culte de latrie (adoration) due à Dieu seul et à chacune des personnes de la Trinité, mais un culte de dulie (vénération). Il est question d’hyperdulie (vénération singulière et supérieure aux autres saints) pour la Sainte Vierge. Et le Concile Vatican II l’affirme clairement : « Aucune créature en effet ne peut jamais être mise sur le même pied que le Verbe incarné et rédempteur ». (Lumen Gentium, n° 62). Cela vaut également pour la Mère de Dieu : « Ce rôle subordonné de Marie, l’Église le professe sans hésitation » (Lumen Gentium, n° 62).

Les cultes aux saints, aux anges et à Marie sont pour ainsi dire des cultes « dérivés » par rapport à celui qu’ils rendent au Christ. Cependant, il y a un ange à part à ne jamais vénérer, le diable, très fort pour détourner les hommes du culte de Dieu et se faire « adorer » à Sa place. En ce qui concerne particulièrement la prière à Marie, Paul VI à travers les Encycliques Christi Matri (1966) et Marialis cultus (1974) a mis en lumière le fait que Marie est notre modèle par sa grande foi. À la fin de son pontificat, Jean-Paul II a aussi valorisé la dévotion au Rosaire, comme manière concrète de se mettre à l’école de Marie à travers les « mystères joyeux, douloureux, glorieux ». Il est allé jusqu’à ajouter un mystère, le « mystère lumineux » qui vient après les « joyeux ». Puis il a décrété que l’année 2002-2003 soit consacrée au Rosaire. Benoit XVI dans plusieurs de ses discours répète que Marie, de par l’incarnation de Dieu en elle, est mère de l’Église et de tous les humains. Dans une interview, il a dit que Marie « est une expression de la proximité de Dieu ». Par l’Assomption, Marie réalise ainsi le but pour lequel Dieu a créé et sauvé les hommes. En la fêtant, les croyants contemplent le gage de leur propre destin, s’ils font le choix de s’unir à leur tour au Christ. La contemplation de l’Assomption renforce enfin la confiance dans l’intercession de Marie : la voilà toute disponible pour « guider et soutenir l’espérance de ton peuple qui est encore en chemin » (préface). Ils aiment alors demander à Dieu : « Fais que, nous demeurions attentifs aux choses d’en-haut pour obtenir de partager sa gloire » (collecte).

Père Martial ESSINDI, sdb

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