Saint Martin de Vertou et Saint Magloire, évêque de Dol et Solitaire
Saint Martin de Vertou, Fondateur (527-691)
Saint Martin de Vertou, digne émule de saint Martin de Tours, était issu d’une famille très riche et très illustre de Nantes. Tout adonné à la piété dès son enfance, il se sentit, jeune encore, attiré au service des saints autels. L’Évêque de Nantes l’ordonna diacre et l’envoya prêcher l’Évangile dans les contrées voisines.
Il y avait, aux environs de la mer, une ville nommée Herbauge, dont il est difficile aujourd’hui de préciser l’emplacement. Ni l’éloquence, ni les prières, ni les vertus de l’apôtre, ne purent gagner cette nouvelle Sodome; il s’enfuit avec une famille qui avait seule écouté sa parole et pria Dieu de punir la cité coupable. Bientôt, à sa prière, la terre s’entr’ouvrit, les monuments et les maisons s’écroulèrent; et la mer furieuse, se précipitant sur ces ruines, engloutit la ville avec ses habitants, sans en laisser de trace. C’est alors qu’il se rendit au pays de Vertou, voisin de la ville des Sables-d’Olonne, où il passa quelques années dans la solitude et la prière, consolé par ses pieuses relations avec un saint solitaire du voisinage, appelé Vivent.
Averti par un ange, Martin quitta sa retraite et alla fonder un monastère en Bretagne, non loin de Nantes, au lieu appelé aujourd’hui Vertou, en souvenir de l’ermitage que le Saint avait précédemment habité. Là, ses travaux furent tellement bénis de Dieu, qu’il se vit bientôt à la tête de trois cents religieux et dut fonder encore, dans les environs, plusieurs monastères.
Martin était l’âme de sa vaste communauté; il était le premier à la psalmodie, au jeûne, à la prière, au silence. Au travail, surtout aux pratiques de la pénitence. Parmi ses miracles, on rapporte la résurrection de plusieurs morts. Martin, accompagné de quelques disciples, visitait souvent ses monastères et profitait de ces courses pour évangéliser les populations de la contrée, où sa mémoire est restée en vénération.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950.
Saint Magloire, évêque de Dol et Solitaire († 575)
Saint Magloire naquit dans la Grande-Bretagne, sur la fin du Ve siècle. Il était cousin-germain de saint Samson. On les mit l’un et l’autre sous la conduite de l’abbé Iltut, disciple de saint Germain d’Auxerre, lequel prit un soin particulier de les former aux sciences et à la piété. Lorsqu’ils furent en âge de se décider sur le choix d’un état de vie, Samson se retira dans un monastère. Magloire retourna chez ses parents, et continua d’y pratiquer toutes les vertus chrétiennes.
Amon, père de Samson, fut attaqué d’une maladie dangereuse quelque temps après. Il envoya chercher son fils, et s’humilia devant Dieu, dont il implora la miséricorde. La santé lui ayant été rendue, il renonça à ses biens pour se consacrer uniquement au Seigneur avec toute sa famille. Cet exemple eut des suites très heureuses pour Magloire; car il en fut si touché qu’il vint trouver Samson avec Umbrafel son père, Afrèle sa mère, et ses deux frères. Ils résolurent tous de quitter le monde, et distribuèrent aussitôt leurs biens aux pauvres et aux églises. Magloire et son père s’attachèrent plus particulièrement à Samson, et ils obtinrent de lui la permission de prendre l’habit monastique dans la même maison. Umbrafel fut envoyé depuis en Irlande, et chargé du gouvernement des monastères de ce pays.
Lorsque saint Samson eut été sacré évêque régionnaire, il s’associa saint Magloire, qui avait été élevé au diaconat. Il l’emmena avec lui dans l’Armorique, espérant qu’il lui serait fort utile, qu’il l’aiderait dans ses travaux apostoliques, et qu’il contribuerait par son zèle à la propagation de l’Évangile. Le roi Childebert appuya de son autorité les saints missionnaires, qui furent bientôt en état de fonder quelques monastères. Samson fit sa résidence dans celui de Dol, et donna la conduite de celui de Kerfunt, ou Kerfuntée, à saint Magloire, qu’il ordonna prêtre, afin qu’il pût lui succéder dans l’exercice des fonctions épiscopales.
Magloire, à l’exemple de son prédécesseur, prêcha l’Évangile aux Bretons qui habitaient sur les côtes. Ces peuples étaient chrétiens, au moins pour la plupart; mais le malheur des guerres et les fléaux qui en sont la suite avaient affaibli en eux la connaissance de Jésus-Christ et l’avaient presque entièrement effacée dans plusieurs. Le saint continua de vivre avec ses moines, comme par le passé. Il ne quittait point le cilice; mais il le couvrait d’un vêtement tel qu’il ne rebutât pas les personnes du monde. Il ne se nourrissait que de pain d’orge et de légumes; il mangeait cependant un peu de poisson les dimanches et les fêtes. Son zèle et sa charité ne lui laissaient presque aucun moment de repos, et il était quelquefois des jours entiers sans pouvoir prendre de nourriture.
Après trois ans d’épiscopat, il forma le projet d’aller vivre dans la solitude. Ce projet lui fut inspiré par les divisions qui régnaient entre les comtes de Bretagne. Il crut aussi que Dieu lui avait fait connaître qu’il exigeait de lui cette entière séparation du monde. Il se fit remplacer par Budoc, dont il connaissait le zèle, les lumières et les vertus, après avoir obtenu le consentement du peuple, mais sans avoir consulté les évêques voisins. On en usait quelquefois de la sorte chez les Bretons; Mais les évêques de la France désapprouvaient une telle conduite; et le second concile de Tours défendit aux Bretons établis dans l’Armorique de la suivre à l’avenir.
Magloire redoubla ses austérités, et brûlant du désir d’être uni à Dieu de la manière la plus intime, il évitait, autant qu’il lui était possible, de converser avec les hommes. Mais la réputation de sainteté dont il jouissait fit bientôt découvrir le lieu de sa retraite. On s’y rendait de toutes parts pour trouver du soulagement dans les besoins de l’âme et du corps. S’il se trouvait obligé d’accepter quelques petits présents, c’était pour les distribuer aux pauvres. Enfin, ne pouvant plus supporter cette affluence de peuple qui venait le visiter, il résolut de se retirer dans quelque solitude où il pût être entièrement inconnu du monde. Mais Budoc, qu’il consulta, le rassura en lui faisant entendre que les bonnes œuvres qu’il opérait devaient lui faire sacrifier son goût particulier pour la retraite. Il resta donc dans l’état où il était, et ses miracles rendirent de jour en jour son nom plus célèbre.
Le comte de Loiescon, qu’il avait guéri de la lèpre, lui ayant donné une terre dans l’île de Gersey, il y bâtit une église et y fonda un monastère où il rassembla plus de soixante religieux. Durant la famine qui suivit la mort du roi Chilpéric, il pourvut à la subsistance d’une infinité de personnes qui étaient dans le besoin. Quoique les provisions du monastère fussent épuisées, il ne diminua point le nombre de ses religieux, comme on le lui conseillait. Il mit en Dieu sa confiance, et il en recueillit bientôt les fruits : un vaisseau chargé de vivres aborda dans l’île et y apporta les secours dont on manquait.
Ce fut dans la nuit de Pâques de l’année suivante que le saint fut averti par le Ciel de la proximité du jour de sa mort. Il ne sortit plus de l’église, à moins qu’il n’y fût contraint par la nécessité ou par l’utilité du prochain. Il répétait souvent ces paroles du Psalmiste: Je ne demande qu’une chose au Seigneur, c’est de demeurer dans sa maison tous les jours de ma vie. Il mourut six mois après, le 24 octobre 575. Il était âgé d’environ quatre-vingts ans. Durant les guerres des Normands, ses reliques et celles de plusieurs autres saints furent portées à Paris, et déposées dans l’église de Saint-Barthélemy, puis dans la chapelle de Saint-Georges, située hors des murs de la ville. On les transféra ensuite en l’église de Saint-Jacques, dite depuis de Saint-Magloire. Dans le même lieu reposaient aussi les reliques des saints Samson et Louthiern, évêques, et des saints Guinganthon et Escuiphle, abbés.
Vies des Saints, d’Alban Butler et de Godescard, revue par le M. Le Glay, Chevalier de l’Ordre de S.-Grégoire-Le-Grand, Tome 5, Lille, L. Lefort, impr.-libr., 1856