Saint Edmond Évêque de Cantorbéry († 1240)

Le père de saint Edmond, Raynald Rich, était un marchand de médiocre fortune, établi à Abingdon, petite ville voisine d’Oxford. De sa femme Mabile il avait eu plusieurs enfants, lorsqu’il se résolut à renoncer au monde et à se faire moine dans l’abbaye d’Evesham. Mabile avait consenti à cette séparation; pour elle, elle demeura dans le monde, toute consacrée à l’éducation de ses deux fils, Edmond et Robert, et de ses filles. C’était une personne de haute vertu, adonnée à la prière et à la pénitence rigoureuse, portant un cilice. Elle éleva ses enfants dans les mêmes habitudes et les vit avec bonheur les adopter généreusement.

 

Edmond surtout, doué d’une nature douce, aimable et docile, avait cependant pour son corps des sévérités étranges à son âge. Sur le conseil de sa mère, il récitait, les dimanches et les jours de fête, tout le psautier à genoux, avant de prendre aucune nourriture; les vendredis, il vivait de pain et d’eau, plusieurs fois par semaine, il se revêtait d’une chemise de crin. Avec son frère Robert, il fut envoyé à Oxford d’abord, puis à Paris, pour faire ses études. Son intelligence vive et pénétrante faisait l’admiration de ses condisciples, mais plus encore la pureté de ses mœurs, l’assiduité de sa prière et la grâce de son commerce.

 

Jésus et Marie trouvaient en lui Leur charme. Un jour il s’était éloigné de quelques camarades, fuyant des propos qui lui semblaient trop légers; il se promenait en priant, lorsqu’un adolescent de son âge s’offrit à ses yeux et lui dit:

«Bonjour, ô très aimé!» Surpris, Edmond le regarde:

«Ne me reconnais-tu pas? continua l’inconnu.

— Ni je ne vous connais, ni, à mon avis, vous ne me connaissez.

— Comment cela! Je suis sans cesse près de toi, même sur les bancs de l’école. Regarde-Moi: sur Mon front tu liras Mon nom. Et Edmond lut en effet: Jésus de Nazareth, roi des Juifs.

«Grave ce nom dans ton cœur, reprit l’Enfant divin. Grave-le aussi chaque soir sur ton front. Et toi et ceux qui t’imiteront, vous serez préservés de la mort subite.»

 

La dévotion à la Sainte Vierge était singulièrement chère au jeune étudiant. Pour la mieux satisfaire, il fit ouvrer deux anneaux d’argent où était gravée la salutation angélique; puis se rendant aux pieds d’une statue de Marie, il lui passa au doigt l’une de ces bagues, mit l’autre à son propre doigt et se lia par le vœu d’une perpétuelle chasteté à Celle que depuis il nommait avec ferveur «sa souveraine, sa gardienne, son épouse, sa mère».

 

Cependant Mabile tomba malade et, se sentant près de la mort, elle manda près d’elle son fils aîné. Elle bénit en lui et avec lui tous ses enfants, lui confia spécialement l’avenir de ses filles, et remit alors avec paix son âme à Dieu. Edmond eut la consolation de voir ses sœurs désireuses de vouer leur vie au cloître. Il les fit entrer dans l’abbaye pauvre, mais très fervente, de Catisby, où elles furent admirées pour leur sainteté et moururent après y avoir successivement rempli la charge de prieure.

 

Edmond, de retour à Paris, continua ses études; il s’était adonné surtout aux sciences exactes, et, ayant pris le grade de maître ès arts, commença d’enseigner les mathématiques. Certes il n’oubliait ni la piété ni la pénitence; loin de là, sa vie devenait de plus en plus mortifiée: toutes les nuits il prenait part à l’office dans l’église Saint-Merry, puis prolongeait sa prière jusqu’à la messe, à laquelle il assistait; il jeûnait fréquemment, même au pain et à l’eau; il portait sur sa chair le douloureux cilice qu’il avait hérité de sa mère; il ne dormait que peu d’heures, étendu sur la terre nue ou même assis sur un banc. Sa charité s’exerçait à l’égard des pauvres et surtout de ses disciples dénués de ressources; pour eux il vendit jusqu’à ses livres; pendant de longues semaines il recueillit et soigna jour et nuit l’un d’eux gravement malade. Mais son amour pour la science était extrême, et Dieu jugea qu’il faisait tort à Son service. Il lui envoya, en songe, sa mère Mabile: elle regardait les livres savants de son fils et les figures géométriques qui les remplissaient. Et après lui en avoir demandé le sens, elle lui prit la main, y traça trois cercles concentriques, symbole de la sainte Trinité, et ajouta: «Voilà, mon fils, les figures que désormais il faut que tu étudies uniquement.»

 

Edmond comprit. À partir de ce moment, il se livra tout entier à la théologie, se fit ordonner prêtre et recevoir docteur. Alors il recommença à professer, la science sacrée cette fois. Sa ferveur en prit un nouvel accroissement. Son enseignement devint une prédication: les cœurs de ses disciples s’enflammaient pour la sainteté; en un jour sept d’entre eux se décidèrent à entrer au monastère de Cîteaux.

 

En 1219 il revint à Oxford, où il enseigna la logique d’Aristote; mais en même temps il prêchait avec un grand zèle la parole de Dieu; il donna même de nombreuses missions dans les comtés de Glocester et de Worcester et convertit beaucoup de pécheurs, en particulier Guillaume Longue Épée, comte de Salisbury, qui dorénavant ne songea plus qu’à son progrès dans la vertu. Sa réputation d’orateur s’établit même au point que, en 1227, le pape Grégoire IX le choisit pour prêcher la croisade qu’il projetait de faire conduire contre les Turcs par l’empereur Frédéric II.

 

Cependant l’archevêque de Canterbury, Étienne Langton, était mort le 9 juillet 1228. Les moines de la grande abbaye de cette ville, à qui appartenait le droit d’élire son successeur, nommèrent plusieurs personnages qui ne parurent pas au Pape mériter qu’il les acceptât. Et enfin Grégoire IX se décida à présenter lui-même à leur choix Edmond, qui depuis quelques années était trésorier de la cathédrale de Salisbury. Les électeurs furent unanimes pour accepter le candidat qui leur était ainsi proposé. Mais leurs députés, quand ils vinrent offrir la mitre à l’élu, se heurtèrent à son refus obstiné. Trois jours ils durent lutter; il ne se rendit que sur l’affirmation qu’il devait se soumettre sous peine de pécher mortellement. Alors en pleurant il inclina la tête sous l’onction sainte. Elle lui fut donnée le 2 avril 1234.

 

Ce qu’il fut comme évêque se peut résumer d’un mot: avant tout, un père. Sa charité ne connaissait point de bornes, non pas même celles de ses ressources. Ce n’était point pour son usage, mais pour les besoins des pauvres, des orphelins, des filles sans dot, des malades sans secours, que son église avait des revenus. Mais il avait plus de souci des âmes: toujours prêt à leur offrir son aide, quand en voyage quelqu’un demandait à être entendu en confession, il descendait de cheval sans hésiter et lui donnait son ministère. Il avait horreur des présents, condamnait vivement les juges et tous les supérieurs qui osaient en provoquer, et même en recevoir, et plaisamment faisait remarquer qu’il n’y a qu’une lettre de différence entre pendre et prendre, «ce qui montre, disait-il, que celui-là est près de la potence qui accepte des dons.»

 

Cependant il rencontra des oppositions. Bon, il était zélé aussi et ne consentait pas à tolérer les abus; les réformes qu’il imposa à certains monastères, les canons synodaux qu’il publia choquèrent plus d’un esprit et suscitèrent des mécontentements. Puis comme le roi Henri III, pour subvenir aux besoins de sa cour, levait de lourds subsides sur le clergé du royaume et, dans le but de toucher les revenus des évêchés et des bénéfices vacants, tardait souvent à leur nommer des titulaires, l’archevêque de Canterbury crut devoir s’en plaindre au Pape et obtint de lui le droit de pourvoir au gouvernement d’une église quand le siège aurait vaqué six mois. Le roi s’en plaignit; le Pape crut devoir céder. Et de là encore des difficultés, des heurts dont l’âme pacifique du prélat souffrait outre mesure.

 

Il résolut donc de quitter son diocèse et sa patrie. Il vint en France et, après un bref séjour à la cour du roi Louis IX il se retira près d’Auxerre, à l’abbaye de Pontigny. Pendant quelque temps il y vécut dans la prière et l’étude, prêchant et composant des œuvres pieuses destinées à l’édification des moines. Mais bientôt sa santé s’altéra. Les médecins l’obligèrent à chercher un climat plus favorable, et, au grand chagrin de ses hôtes, il quitta Pontigny pour demander un asile aux chanoines réguliers de Soissy, non loin de Provins. La maladie pourtant ne cessa de s’aggraver. Bientôt il sentit sa fin prochaine, il demanda l’extrême-onction. Quand on lui apporta le saint viatique, il étendit les mains vers le Sauveur caché sous l’hostie et, avec une foi si vive qu’on aurait dit qu’il le voyait: «C’est Vous, Seigneur, Lui dit-il, que j’ai cru, Vous que j’ai prêché; Vous m’êtes témoin que je n’ai cherché que Vous sur la terre!» Depuis lors il voulut avoir toujours sous les yeux, dans les mains, avec les images de Marie et de saint Jean, le crucifix dont il ne cessait de baiser les plaies sacrées. Et c’est en le faisant qu’il expira doucement le 16 novembre 1240.

 Réflexion pratique: L’archevêque de Cantorbéry recommandait de prier surtout avec le cœur: «Cinq mots du cœur, disait-il, valent mieux que des milliers de paroles froides.» Si la ferveur soutient notre attention, sans parler beaucoup nous prierons beaucoup.

 

Père René Moreau , S.J., Saints et Saintes de Dieu, Lectures quotidiennes, Tome II, Paris, Maison Alfred Mame et fils, 1925.

Edmond Edem Vidzro

Journaliste reporter d'images (JRI); j'allie l'écriture, à l'art du micro, à la prise de vue et à la réalisation. Je suis également promoteur d'évènements culturels et directeur de rédaction chez virgo-maria.net Je milite dans une association ou nous luttons pour la protection de l'Environnement et de la Terre notre maison commune. Je suis en outre secouriste et je fais la promotion du don de Sang.

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