Un appel prophétique à la justice et à la paix : la CET face à la situation politique au Togo
En ce temps de grâce pascale, alors que l’Église universelle célèbre l’Ascension et se prépare à accueillir l’Esprit Saint à la Pentecôte, la Conférence des Évêques du Togo (CET) a publié un message d’une rare intensité spirituelle et d’un courage pastoral remarquable. Intitulé « Ne résistons pas à l’Esprit », ce message sonne comme une exhortation urgente à ouvrir les cœurs à la vérité, à la paix et à la justice dans un pays en proie à des tensions sociopolitiques croissantes.
Un contexte politique troublé
L’intervention des évêques s’inscrit dans le sillage d’un changement constitutionnel majeur intervenu le 3 mai 2025, date de l’entrée officielle du Togo dans la Vème République. Ce tournant politique, intervenu sans une large consultation du peuple et à travers une Assemblée nationale en fin de mandat, a provoqué crispations, frustrations et malaise au sein de la population. Déjà, en mars 2024, les évêques avaient solennellement demandé au chef de l’État de surseoir à la promulgation de la nouvelle Constitution. Leur appel n’a pas été entendu. Aujourd’hui, ils dénoncent un climat de peur, de mépris du peuple, et d’imposition d’un silence lourd de conséquences.
Un langage spirituel pour interpeller le politique
Ce qui frappe dans ce message, c’est le ton profondément spirituel et prophétique. Loin de tomber dans une dénonciation purement politique, les évêques choisissent la voie de l’Évangile : ils appellent à écouter l’Esprit Saint, celui qui éclaire les consciences, console les cœurs et transforme les sociétés. Le message prend un relief particulier dans ce temps de Pentecôte où les chrétiens se préparent à célébrer la venue de l’Esprit de feu et de vérité. Le refus du dialogue et de l’écoute des aspirations du peuple est ainsi assimilé à une résistance à l’Esprit, un péché contre la vérité et contre Dieu.
Un triple appel : écouter, dialoguer, transformer
Trois axes structurent l’appel des évêques :
1. Écouter le peuple : Les évêques rappellent avec force que la voix du peuple est sacrée et ne peut être ignorée sans mettre en péril la cohésion nationale.
2. Dialoguer sincèrement : Ils réclament un dialogue national inclusif, loin des simulacres politiques, et fondé sur la vérité, la justice et la volonté commune de bâtir l’avenir du Togo.
3. Transformer le pays par l’Esprit : Ils lancent une invitation aux chrétiens à intensifier la prière, notamment durant la neuvaine de Pentecôte, pour demander à Dieu lumière, paix et transformation des cœurs et des institutions.
Un avertissement prophétique
L’un des passages les plus puissants du message réside dans cette phrase lourde de sens : « Une Nation ne se bâtit pas durablement sur le silence imposé, sur la peur suscitée et entretenue, sur le mépris de la voix de son Peuple… ». Par ces mots, la CET adresse un avertissement clair et prophétique aux autorités : l’oubli des principes de justice et de vérité conduit à la rupture du contrat social. Les frustrations tues peuvent devenir des bombes sociales imprévisibles.
Un rôle central de l’Église dans la société togolaise
Par cette prise de parole, la CET confirme son rôle de vigie morale, de médiatrice sociale et de voix prophétique au cœur du Togo. Elle ne cherche pas à prendre parti politiquement, mais à rappeler l’exigence évangélique de vérité, de justice et de paix. Elle invite tous les acteurs – politiques, société civile, forces de sécurité, confessions religieuses – à œuvrer ensemble pour l’unité et l’avenir du pays.
Une Église au service de la vérité et de la paix
Ce message n’est pas une simple déclaration ; c’est un acte de foi, d’amour du pays, et de responsabilité évangélique. Dans un contexte où le peuple togolais montre une résilience admirable, mais où le risque de rupture sociale est réel, l’appel des évêques est un cri de conscience : « Ne résistons pas à l’Esprit ». En d’autres termes : ouvrons les cœurs, les institutions et les décisions à la lumière de Dieu, pour que le Togo puisse connaître une paix durable, fondée non sur l’imposition, mais sur l’écoute, la justice et le respect.
Diacre Armando T. WAKIOU, Spiritain