La solennité de la Fête Dieu

Toute la Pâques nous permet de célébrer le mystère ou l’économie du salut. Ce mystère du salut est tout le projet de Dieu pour sauver les hommes. Il se déploie dans le mystère de l’incarnation, c’est-à-dire la manière dont Jésus dit le Christ a pris chair, notre condition humaine, et à travers le mystère de la rédemption qui est la manière dont le salut a été opéré : « Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » (Jn 3,16). Ce don de la croix a été visiblement manifesté de façon sacramentelle dans la ‘’ cène du jeudi saint ‘’. La sainte cène est encore appelée la Table Sainte, la sainte Communion, le Saint Sacrement, le Mémorial, le banquet céleste ou Pascal (CEC 1328-1332). La solennité de la Fête-Dieu fut instaurée au XIIIe siècle, dans un contexte historique et culturel précis (la féodalité et le monachisme) auquel s’ajoutera plus tard la contre-réforme au XVIe siècle. Bien que cette présentation ne sera pas hautement savante, nous essaierons au moins de souligner le caractère solennel de la Fête de Dieu, ses fonds bibliques, son évolution dans la tradition de l’Eglise et le message qu’elle communique.

Historique de la fête de Dieu


On a plus besoin de se casser tant la tête. Il suffit de taper ‘’ fête Dieu ‘’ dans Google à défaut d’une recherche livresque pour se voir offrir toute une panoplie de présentations. Rappelons que cette solennité est fixée en principe au jeudi (Jour de l’institution de l’Eucharistie) qui suit la Sainte Trinité. Il s’agit pour l’Eglise de souligner l’unicité et la récapitulation du salut du genre humain dans la médiation parfaite et définitive du Christ. : La déité du Christ à travers la présence réelle du Christ, sous cette forme du pain et du vin consacrés.

Dans la Parole de Dieu


Ce parcours partant du biblique partant du Nouveau Testament, répond à la question de l’origine du Saint-sacrament dans la Sainte Révélation. Pour comprendre donc la Fête-Dieu, il importe de comprendre ce qu’est un « sacrement ». Un sacrement est le signe visible d’une réalité invisible. Les références suivantes le traduisent : « Dieu personne ne l’a jamais vu (Jn 1,18), mais Jésus a dit : « celui qui me voit, voit Dieu (Jn14, 9); celui qui m’écoute, écoute Dieu (Lc 10,16) ; celui qui m’accueille, accueille Dieu ; celui qui me rejette, rejette Dieu… (Mt 10,40-42) ». La personne de Jésus, né il y a 2021 ans et mort il y a 1988 ans, en Palestine, est en quelque sorte « le » Sacrement par excellence : en lui, le croyant a reconnu Dieu fait homme, c’est-à-dire selon une lecture chrétienne, il a accompli en sa personne, la vocation collective et filiale d’obéissance du peuple d’Israël-, alors que beaucoup ne l’ont pas cru, c’est pourquoi il a été mis à mort (Cf. Le prologue de saint Jean Chap. 1). Il faut reconsidérer le chapitre 6 de saint Jean pour établir un lien entre le Christ révélé et l’institution de la Sainte Cène par ailleurs afin de saisir la corrélation entre la Parole et le fait. Soulignons néanmoins quelques concepts tels le sens symbolique de manger le pain et boire le sang. En effet, dans la mentalité biblique, les deux expressions signifient respectivement, recevoir Jésus comme l’Envoyé ou Fils de Dieu et croire en son Enseignement comme parfaite et définitive révélation de Dieu, car le pain désigne aussi la Parole comme Torah et le sang est le symbole de la vie ; esprit de vie. Les catholiques eux, croient en la présence réelle de Jésus, sous cette forme du pain et du vin consacrés comme il l’a dit et fait au jeudi saint : « Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : Prenez, mangez : ceci est mon corps. Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. » (Mt 26,26-30 ; Lc 22,15-20 ; 1Cor 11,23-25). Il va pour de soi pour autant que Dieu, étant un esprit, ne peut donc pas être dans un endroit plutôt qu’à un autre ! Mais l’Eucharistie se situe dans la logique de l’Incarnation, dans laquelle Dieu s’est « fait voir » par un homme, Jésus, puis, après sa résurrection et son ascension, par le pain et le vin consacrés. Après sa résurrection, donc, Jésus a disparu au regard des gens…dès lors, comme signe visible de sa présence, nous avons la chance d’avoir son « Corps et son Sang » sous la forme concrète du pain et du vin consacrés, comme il nous a dit de le faire. Le sacrifice eucharistique non-sanglant du Jeudi est tangible dans celui sanglant du vendredi saint où le don de la vie devint réellement visible (Jn 15,13 ; 1Jn 3,16). Qu’en est-il de la tradition de l’Eglise ?


Dans l’histoire de l’Eglise



Je m’appuie pour cette partie sur une homélie du Pape Benoit XVI (audience générale, mercredi 17 novembre 2010) dont nous ne douterions pas de sa profondeur et son sérieux intellectuel. Il fait bien une bonne historique très résumative.



Sainte Julienne de Cornillon et sa vision



La solennité aurait été dans un certain sens préparée par le débat théologique et par le réveil de la dévotion eucharistique survenu après l’hérésie de Bérenger de Tours qui niait la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie. Ce réveil s’accompagnait d’un désir de pouvoir contempler l’hostie pendant la messe : c’est à Paris, en 1200, que l’existence de ce rite de « l’élévation », au moment de la consécration, est attestée pour la première fois. La Fête-Dieu (ou Corpus Christi) fut introduite finalement en Europe, d’abord 1246 dans le diocèse de Liège.

A l’âge de seize ans, sainte Julienne de Cornillon eut une première vision, qui se répéta ensuite plusieurs fois dans ses adorations eucharistiques. La vision présentait la lune dans toute sa splendeur, dont le diamètre était traversé par une bande noire. Le Seigneur lui fit comprendre la signification de ce qui lui était apparu. La lune symbolisait la vie de l’Eglise sur terre, la ligne opaque représentait en revanche l’absence d’une fête liturgique, pour l’institution de laquelle il était demandé à Julienne de se prodiguer de façon efficace : c’est-à-dire une fête dans laquelle les croyants pouvaient adorer l’Eucharistie pour faire croître leur foi, avancer dans la pratique des vertus et réparer les offenses au Très Saint Sacrement.[…]. Jacques Pantaléon de Troyes, qui avait connu la sainte au cours de son ministère d’archidiacre à Liège, fut lui aussi conquis à la bonne cause de la fête du Corpus Domini. Ce fut précisément lui, devenu Pape sous le nom d’Urbain IV, qui institua en 1264 la solennité du Corpus Domini comme fête de précepte pour l’Eglise universelle, le jeudi suivant la Pentecôte.

L’intuition prophétique du Pape urbain IV



Dans la Bulle d’institution, intitulée Transiturus de hoc mundo (11 août 1264), le Pape Urbain évoque à nouveau très discrètement, les expériences mystiques de Julienne, soutenant leur authenticité, et il écrit : « Bien que l’Eucharistie soit, chaque jour, solennellement célébrée, nous considérons juste que, au moins une fois par an, l’on en honore la mémoire de manière plus solennelle. En effet, les autres choses dont nous faisons mémoire, nous les saisissons avec l’esprit et avec l’intelligence, mais nous n’obtenons pas pour autant leur présence réelle. En revanche, dans cette commémoration sacramentelle du Christ, bien que sous une autre forme, Jésus-Christ est présent avec nous dans sa propre substance. En effet, alors qu’il allait monter au ciel, il dit : “Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde” (Mt 28, 20)». Le Pape lui-même voulut donner l’exemple, en célébrant la solennité du Corpus Domini à Orvieto, la ville où il demeurait alors. C’est précisément sur son ordre que, dans la cathédrale de la ville l’on conservait — et l’on conserve encore — le célèbre corporal portant les traces du miracle eucharistique qui avait eu lieu l’année précédente, en 1263 à Bolsène. Un prêtre, alors qu’il consacrait le pain et le vin, avait été saisi de doutes profonds sur la présence réelle du Corps et du Sang du Christ dans le sacrement de l’Eucharistie. Miraculeusement, quelques gouttes de sang commencèrent à jaillir de l’hostie consacrée, confirmant de cette manière ce que notre foi professe. Ce serait un crime de lèse-majesté si des personnalités du XIIIe siècle en lien avec la dévotion et la promotion de la foi dans l’Eucharistie telles que François d’Assise et Claire d’Assise et de Thomas d’Aquin ne furent pas mentionnées outre Julienne de Cornillon. Soulignons particulièrement l’apport que de saint Thomas d’Aquin († 1274) se distingua par son amour de l’Eucharistie, qu’il célébrait chaque jour après avoir servi la messe d’un de ses confrères. Quand il célébrait l’Eucharistie, des larmes coulaient sur ses joues. Il fut chargé par le pape Urbain IV de rédiger le texte de l’office et de la messe de la solennité promulguée en 1264 par la bulle Transiturus. Manque de manuscrits autographes, la première composition réalisée en 1264 n’est pas connue. Son office, qui est actuellement en usage, peut être des œuvres élaborées tardivement, et il semble que la version définitive ait été fournie après le concile de Trente. Commentant l’apport thomiste, le Pape Benoit XVI écrit : ‘’Ces derniers, encore en usage aujourd’hui dans l’Eglise, sont des chefs-d’œuvre, dans lesquels se fondent la théologie et la poésie. Ce sont des textes qui font vibrer les cordes du cœur pour exprimer la louange et la gratitude au Très Saint Sacrement, alors que l’intelligence, pénétrant avec émerveillement dans le mystère, reconnaît dans l’Eucharistie la présence vivante et véritable de Jésus, de son Sacrifice d’amour qui nous réconcilie avec le Père, et nous donne le salut. […]’’.

La Fête-Dieu, quels messages



De la cherté du culte ancien à la gratuité du culte nouveau



Il faut s’inscrire de la logique de la révélation chrétienne pour saisir ce ‘’ passage ‘’. En effet, quiconque rentre dans la profondeur de l’œuvre accomplie par Jésus, se rendra compte comment, elle achève de façon sublime ce que le collectif Israël n’arrivait pas à réaliser. Elle achève sur ce modèle juif, tous les sacrifices des cultures par son approche de substitution. En cela, dès que l’on passe en réalité des avatars de religion non révélées à celle du vrai Dieu, c’est-à-dire, lorsqu’on atteint la vraie perception de Dieu, on passe comme Abraham (Gn 22,1-22) des sacrifices comme efforts coûteux des hommes à satisfaire leurs dieux à l’accueil de la proposition nouvelle et libératrice que Dieu donne. Et c’est cela le sacrifice de la Nouvelle Alliance. Il suffit de le croire et d’adhérer cela : ‘’ Prenez et mangez, ceci est mon corps livré pour vous ; prenez et buvez. Ceci est la coupe de mon sang versée pour vous. ‘’. La séquence de la solennité en est très expressive. «…(…) À ce banquet du nouveau Roi, la Pâques de la Loi nouvelle met fin à la Pâque ancienne. L’ordre ancien le cède au nouveau, la réalité chasse l’ombre, et la lumière, la nuit. D’avance, il fut annoncé par Isaac en sacrifice, par l’agneau pascal immolé, par la manne de nos pères. (…) » .



Un « printemps eucharistique » du Christ sauveur du monde



Je voudrais affirmer avec joie qu’il y a aujourd’hui dans l’Eglise un « printemps eucharistique » dit le Pape Benoit XVI. Combien de personnes demeurent en silence devant le Tabernacle, pour s’entretenir en une conversation d’amour avec Jésus ! Il est réconfortant de savoir que beaucoup de groupes de jeunes ont redécouvert la beauté de prier en adoration devant le Très Saint Sacrement (…) Poursuit le Pape Benoit XVI. Citons à ce point les congrès eucharistiques avec les foules qui rassemblent. Je rapporte ce témoignage Judith Kombate (togolaise), dévote du Saint Sacrement pour souligner combien l’adoration du Saint Sacrement comme Marie, la sœur de Marthe au pied de Jésus procure la paix du cœur à l’âme dévote : « Dieu mon Dieu, mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair terre aride altérée sans eau. L’Amour de Dieu nous séduit et nous entraîne inévitablement à le chercher de tout notre être, de désirer sa présence permanente et constante, au point où, au-delà de l’Hostie présence réelle du Christ que nous recevons à la messe, le désir de l’adorer à chaque instant nous habite. J’ai pu découvrir que cette soif et ce désir permanent d’être en présence de Jésus Eucharistie, te pousse à parcourir les églises à le rechercher dans une messe, dans un tabernacle, dans Jésus exposé sur l’ Autel pour l’adorer, lui présenter le monde et lui demander pardon pour ceux qui le rejettent. Et dans chaque partie du monde, on retrouve ces hommes et ses femmes, mais très souvent les femmes qui aiment et cherchent Dieu ainsi sans tenir compte de la distance, juste pour avoir une messe et trouver une église ouverte où l’on peut l’adorer. » Car auprès de l’époux, le Désiré, elles reçoivent la paix du cœur.    

Père Jean Baptiste Labadeh, c.d (clergé diocésain de Lomé)

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