Sainte Odile Abbesse († 720)

Odile naquit à Obernai, en Alsace. Le père d’Odile, Adalric, barbare à demi converti, était duc souverain d’Alsace. Sa mère, nièce de saint Léger, évêque d’Autun, s’appelait Bereswinde.

La naissance d’Odile fut suivie d’une amère déception: car elle naissait aveugle. Le duc, croyant que cette infirmité était une punition de ses crimes, ordonna de faire disparaître l’enfant. La mère, pour sauver sa fille, la confia secrètement à une servante dévouée qui l’éleva dans un monastère appelé Palma, actuellement Baume-les-Dames.

L’enfant grandit jusqu’à l’âge de douze ans sans qu’on eût songé à la baptiser. Une nuit, saint Ehrard, évêque de Ratisbonne, eut une vision. «Lève-toi, lui dit le Seigneur, pars pour le monastère de Palma: tu y trouveras une jeune fille aveugle de naissance. Prends-la et baptise-la au nom de la Sainte Trinité. Impose-lui le nom d’Odile, et aussitôt baptisée, elle recouvrera la vue.» L’évêque obéit. Après avoir répandu sur elle l’eau sainte, il fit ensuite sur ses yeux l’onction du Saint-Chrême, en disant: «Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que ton corps voie comme ton âme!» Au même moment il se produisit le même prodige que celui arrivé à Saul lorsqu’il fut baptisé par Ananie; les yeux d’Odile se dessillèrent. Ehrard bénit alors un voile, en couvrit la tête d’Odile et la consacra au Seigneur.

On se hâta de porter cette bonne nouvelle à Adalric. Celui-ci ne s’en préoccupa pas autrement, et son fils Hugues, ayant cru devoir intercéder en faveur du rappel de sa sœur, fut durement reçu.  Persuadé que la vue de sa propre fille toucherait infailliblement le cœur du père, Hugues prit sur lui de la rappeler. Dès qu’Adalric apprit son retour, il se laissa aller à son caractère violent: non content d’adresser des reproches au jeune homme, il lui asséna un grand coup de bâton sur la tête, et le tua. Sitôt ce meurtre consommé, le malheureux père fut saisi d’un profond remords. Odile en recueillit le bénéfice: il fit a sa fille le plus fervent accueil et lui rendit sa place au foyer et dans son affection. Dans ce palais, on la vit mépriser tout ce que le monde recherche, cultiver l’amour de la pauvreté au milieu de l’opulence, garder la solitude d’une anachorète au sein même d’une cour bruyante. Elle repoussa avec constance les alliances qui lui furent offertes, et ce ne fut qu’après de longs et rudes combats qu’elle obtint enfin de son père la permission de se consacrer à Dieu avec d’autres vierges.

Pour réparer ses crimes passés Adalric lui fit donation de l’ancienne forteresse et de la montagne de Hohembourg, près d’Obernai. Odile s’y installa en 680; et bientôt elle eut cent trente religieuses sous sa direction. Elle leur donna une règle qui tenait compte de la rigueur du climat et de leur isolement encore accru par le manque d’eau et la difficulté d’accès.

Indulgente envers toutes, Odile n’était dure qu’à l’égard d’elle-même. Du pain d’orge et de l’eau, avec quelques légumes, c’était toute la sustentation de sa vie. La contemplation des choses divines l’attirait continuellement; elle, y consacrait la plus grande partie de la nuit. Une peau d’ours lui servait de lit, une pierre d’oreiller.

Animée d’une tendresse maternelle envers les pauvres et les malades, elle construisit un second monastère et un vaste hospice vers le bas de la montagne, afin d’y ménager à leur misère un asile plus commode. Et non seulement elle établit en cet endroit une communauté de vierges sacrées qui devaient donner leurs soins à ces infortunés; mais elle-même les visitait chaque jour, leur servait à manger et leur prodiguait ses consolations, pansant même, sans dégoût, de ses propres mains, les ulcères des lépreux.

La charité de l’abbesse s’étendait sur tout le pays; et on venait à elle de toute la région. Un jour elle rencontra sur le flanc de la montagne un pauvre lépreux mourant de soif. Imitant le geste de Moise à Oreb, Odile frappa de son bâton le rocher voisin; et aussitôt il en sortit une eau abondante. Cette source porte encore aujourd’hui le nom de Sainte-Odile.

Enfin, pleine de mérites et d’années, et sentant sa mort approcher, la sainte Abbesse de Hohembourg convoqua ses religieuses dans la chapelle de saint Jean-Baptiste, et les exhorta à demeurer fidèles à leurs saints engagements, et à ne jamais abandonner la voie qui conduit au Ciel. Enfin, avant reçu dans ce saint lieu le Viatique du corps et du sang de Jésus-Christ, elle sortit de cette vie. Le corps de la vierge fut enseveli dans cette même chapelle; et dès lors son tombeau commença d’être entouré de la plus grande vénération et resplendit de l’éclat des miracles.

Prière à sainte Odile

Les voies du Seigneur furent admirables sur vous, ô Odile, et Il daigna montrer en votre personne toute la richesse des moyens de Sa grâce. En vous privant de la vue du corps qu’Il devait plus tard vous rendre, Il accoutuma l’œil de votre âme à ne s’attacher qu’aux beautés divines; et lorsque la lumière sensible vous fut donnée, déjà vous aviez fait choix de la meilleure part. La dureté d’un père vous refusa les innocentes douceurs de la famille; mais vous étiez appelée à devenir la mère spirituelle de tant de nobles filles qui, à votre exemple, foulèrent aux pieds le monde et ses grandeurs.

Votre vie fut humble, parce que vous aviez compris les abaissements de votre Époux céleste; votre amour pour les pauvres et les infirmes vous rendit semblable à notre divin Libérateur, qui vient prendre sur Lui toutes nos misères. Ne vous vit-on pas retracer les traits sous lesquels Il va bientôt Se montrer à nous, lorsqu’un pauvre lépreux repoussé de tous fut accueilli par vous avec une si touchante compassion? On vous vit le serrer dans vos bras, porter avec le courage d’une mère la nourriture à sa bouche défigurée; n’est-ce pas là ce que vient faire ici-bas notre Emmanuel, descendu pour guérir nos plaies dans Ses fraternels embrassements, pour nous faire part de la nourriture divine qu’Il nous prépare à Béthléhem? Pendant qu’il recevait les caresses de votre charité, le lépreux tout à coup sentit disparaître l’affreuse maladie qui le séquestrait du reste des humains. À la place de cette horrible puanteur qu’il exhalait, une odeur délicieuse s’échappe de ses membres renouvelés: n’est-ce pas là encore ce que Jésus vient opérer à notre égard? La lèpre du péché nous couvrait; elle se dissout par la grâce qu’Il nous apporte, et l’homme régénéré répand autour de lui la bonne odeur de Jésus-Christ.

Au sein des joies que vous partagez avec Lucie, souvenez-vous de nous, ô Odile! Nous savons combien votre cœur est compatissant. Nous n’avons point oublié la puissance de ces larmes qui retirèrent votre père du lieu des expiations, et ouvrirent les portes de la patrie céleste à celui qui vous avait exilée de la famille terrestre. Maintenant vous n’avez plus de larmes à répandre; vos yeux ouverts à la lumière du Ciel contemplent l’Époux dans Sa gloire, et vous êtes plus puissante encore sur Son cœur.

Souvenez-vous de nous qui sommes pauvres et infirmes; obtenez la guérison de nos maladies. L’Emmanuel qui vient à nous Se présente comme le médecin de nos âmes. Il nous rassure en nous disant que Sa mission n’est pas pour ceux qui se portent bien, mais pour ceux qui sont malades. Priez-Le de nous affranchir de la lèpre du péché, et de nous rendre semblables à Lui. Ô vous dont le sang illustre a coulé dans les veines de tant de rois et d’empereurs, jetez un regard sur la France, et protégez-la; aidez-la à recouvrer avec l’antique foi sa grandeur première.

J.-M. Planchet, Nouvelle Vie des Saints, 2e éd. Paris, 1946; Dom Prosper Guéranger, o.s.b., L’Année liturgique, Paris, Librairie religieuse H. Oudin, 1900, Tome I

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