Sainte Cunégonde Impératrice
Sainte Cunégonde Impératrice († 1040)
Sainte Cunégonde fut élevée par ses nobles parents dans les sentiments d’une tendre piété. Mariée à saint Henri, roi de Bavière et plus tard empereur, elle avait résolu avec ce prince, avant la célébration du mariage, de vivre dans une continence parfaite. Les deux époux tinrent leur promesse et n’eurent pour but de leur union que de se porter mutuellement à la perfection.
Cunégonde se montra la mère des pauvres, et comme elle s’était interdit les amusements de la cour, elle trouvait de quoi soulager les malheureux, ériger des évêchés, fonder des monastères et orner les églises.
Dieu permit, pour éprouver sa patience, qu’elle fût indignement calomniée et que la calomnie, partie de haut, pénétrât jusque dans le peuple, qui n’avait qu’une voix pour flétrir la prétendue hypocrisie de la reine. Henri, connaissant la vertu de son épouse, repoussa d’abord ces rapports avec indignation. Mais la perfidie des ennemis de Cunégonde finit par le convaincre, et il en vint à mépriser sa sainte épouse et à ne lui plus parler.
Un jour, la reine eut le courage de l’aborder et de lui protester de sa parfaite innocence; elle fut même la première à proposer de s’en remettre au jugement de Dieu, comme on le tolérait encore à cette époque demi-barbare:
« Faites chauffer à blanc, lui dit-elle, douze socs de charrue; pieds nus, je marcherai sur ces fers ardents, me confiant en la bonté de mon Dieu, qui connaît le fond de mon coeur. »
Le jour venu, les douze socs, chauffés à blanc, furent placés dans la basilique, au milieu d’une foule nombreuse accourue pour être témoin de cet étrange spectacle. La reine allait s’avancer sur ce pavé brûlant, quand Henri lui dit:
« Je crois à votre innocence; je vous en prie, ne persistez pas dans votre projet. » Mais Cunégonde voulait la preuve complète:
« Plus ce feu est terrible, plus mon innocence éclatera », dit-elle. Levant donc les yeux au Ciel, elle s’avança pieds nus sur les fers rouges, en disant:
« Seigneur mon Dieu, protégez Votre humble servante! » Quand elle fut arrivée au douzième, elle y resta debout comme sur un trône d’honneur. La multitude, frémissante, se précipitait pour vénérer la sainte et courageuse reine, et, de son côté, Henri se jeta aux pieds de Cunégonde en la suppliant de lui conserver son amour et en jurant de travailler à réparer son erreur jusqu’au dernier jour de sa vie.
Après la mort de son royal mari, elle entra dans un couvent, où elle prit le voile et vécut dans la plus parfaite humilité.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de l’année, Tours, Mame, 1950